Abattre un mur porteur en 7 étapes

Au cours de ses pérégrinations parisiennes, Jeeves visite bon nombres d’appartements et de maisons dont les derniers travaux de rénovation sont visiblement antédiluviens !

Seulement, la conception des espaces de vie aujourd’hui n’est plus du tout la même qu’à l’époque de construction, voire même qu’à l’époque des derniers travaux d’agencement faits par la génération de nos parents (voire grands parents).

Aujourd’hui les espaces ouverts et lumineux sont préférés, le cloisonnement se fait a minima, les pièces adoptent une logique multi-usages, alors qu’il était encore courant il y a peu de séparer les espaces en fonction de leur usage.

Résultat des courses, le jeu consiste bien souvent pour un chasseur immobilier (et son client !) qui visite un appartement en copropriété à imaginer un espace en le décloisonnant, en intégrant le salon, le petit salon, la salle à manger, voir le boudoir, en un seul grand espace de vie.

Sauf que, dans bon nombre de cas, cette sempiternelle ritournelle est susurrée à notre oreille : « Attention c’est un mur porteur, on ne peut pas y toucher, trop compliqué, trop cher, trop aléatoire! »

Vraiment ? Qu’en est-il réellement ?

Un mur porteur, comme son nom l’indique, et un mur dont la vocation première est de supporter le poids de la structure (maison, immeuble, gratte-ciel…). Le fait de l’ouvrir en partie ou de le supprimer entièrement implique donc de trouver une solution technique permettant la reprise de la charge supportée pour éviter la fissuration voire l’effondrement.

D’autre part, autant dans une maison individuelle, le propriétaire pourra (en respectant un certain nombre de précautions techniques) faire ce qu’il voudra de ses murs porteurs, autant en copropriété, la question se pose différemment.

En effet, l’appartement que vous êtes susceptibles d’acheter en copropriété est à la fois composé de parties privatives que vous pouvez agencer sans restrictions, mais aussi de parties communes dont le sort dépend de la décision prise par l’ensemble des copropriétaires (nos fameux murs porteurs, mais aussi conduits de cheminée, planchers, plafonds…).

Ainsi nous retrouvons nous avec une double problématique : technique (comment supporter le poids si le mur porteur n’est plus là) et juridique (la copropriété doit donner son accord pour la suppression dudit mur).

Voilà donc comment faire tomber un mur porteur en copropriété en 7 étapes simples :

1. Bureau d’étude

Il vous faudra tout d’abord missionner un bureau d’étude qui procédera à des sondages (potentiellement destructifs) et donnera la solution technique pour remplacer le mur porteur. Dans bien des cas, des poutrelles acier ou béton (IPN) avec des retombées (poteaux). Le bureau d’étude donnera les dimensions de ces poutres et poteaux, en fonction de la longueur de l’ouverture et de la charge à porter (qui n’est bien sûr pas la même au premier et dernier étage).

Compter environ 1 500 € pour le bureau d’étude.

2. Solliciter l’architecte de la copropriété

Celui-ci doit donner son blanc-seing au projet, et il le fera sur la base des conclusions du bureau d’étude. Il aura peut-être des remarques et/ou des modifications à vous suggérer mais son accord est impératif. Sa prestation fera l’objet d’une facturation, d’autant plus si vous lui demandez de présenter votre projet lors de l’assemblée générale (ce qui est une bonne manière de rassurer vos copropriétaires).

Compter environ 500 € d’honoraires d’architecte.

3. Obtenir un devis

Sur la base des recommandations du bureau d’étude et de l’architecte, votre artisan pourra vous établir un devis. Demandez lui de vous fournir des copies de son assurances décennales et s’il lui est possible de contracter pour vous une assurance dommage ouvrage via sa propre assurance.

4. Travailler avec le syndic de copropriété.

L’autorisation d’abattre votre mur porteur vient d’une décision prise en assemblé générale. Il vous faudra donc contacter le syndic au plus tard un mois avant la tenue de l’assemblé générale pour qu’ils insèrent votre projet dans la liste des résolutions à voter lors de l’AG.

Veillez à ce que soient inclus dans cette convocation :

  • la copie des conclusions du bureau d’étude,
  • l’accord de principe de l’architecte de l’immeuble,
  • la copie des assurance de votre entrepreneur

Veillez en tout état de cause à travailler en transparence avec le syndic, c’est la meilleure garantie d’aller au bout de votre projet.

5. La préparation de l’assemblé générale

Vos copropriétaires ont le sort de vos travaux entre leur mains ! Afin que votre projet soit validé, il vous faudra obtenir la majorité absolue des votes. Concrètement, pour une copropriété représentant 1000 tantièmes, il faudra que 501 tantièmes votent pour votre projet.

Cela implique qu’il y ait suffisamment de gens présents lors de l’assemblé générale (si seulement 480/1000è sont présents ou représentés, vous serez bien en peine d’obtenir votre majorité absolue) :

  • Faites le tour de vos voisins, expliquez leur votre projet, faites leur du charme et demandez leur d’assister à l’assemblée générale ou, à défaut, de vous signer un pouvoir de manière à ce que vous puissiez les représenter et obtenir leur vote.
  • Attention, si des copropriétaires vous donnent leur pouvoir, sachez que vous ne pouvez en obtenir plus de trois (sauf si le total des tantièmes représentés est inférieur à 5 %). Concrètement dans une petite copropriété, il est possible de représenter un très grand nombre de tantièmes avec ses propres tantièmes et seulement trois pouvoirs. Dans une grande copropriété en revanche, cela sera nettement plus compliqué.
  • Astuce : si vous êtes un couple de copropriétaires, chacun d’entre vous peut obtenir trois mandats (ou plus si vous ne dépassez par la limite de 5 %).

6. L’assemblée générale

Le jour de l’assemblé générale, lorsque votre résolution sera discutée, faites la présenter par votre architecte (ou l’architecte de l’immeuble) afin de rassurer les éventuels anxieux et que les questions posées par l’assemblée puissent obtenir une réponse directement par un homme de l’art. Cela maximisera vos chances d’accord.

Lors du vote, il y a trois possibilités :

  • Vous obtenez la majorité absolue (501/1000èmes ou plus) : votre projet est accepté ! Idéalement, il faudrait attendre que le délai de recours contre l’AG soit passé, soit deux mois après la réception du PV d’AG par lettre recommandée. Dans la mesure où un syndic à deux mois pour envoyer ce PV, il faudrait dans le pire des cas attendre 4 mois avant de commencer les travaux.
  • Vous n’obtenez pas la majorité absolue, mais recueillez au moins un tiers des voix (soit entre 334/1000èmes et 500/1000èmes) : votre résolution est de nouveau soumise au vote, immédiatement, à la majorité simple . Il faut donc que plus de moitié des présents/représentés votent pour le projet : en admettant que 740/1000èmes soient présent ou représentés, il vous faudra donc obtenir 371 tantièmes pour votre projet (en lieu et place des 501/1000èmes lors du précédent vote).
  • Vous n’obtenez pas le tiers des voix (donc moins de 334 millièmes) : vous avez la possibilité de reconvoquer une assemblée générale extraordinaire (à vos frais) dans un délai de trois mois afin de faire à nouveau voter votre résolution à la majorité simple. Veillez à bien préparer cette nouvelle assemblée ! Si vous n’obtenez pas la majorité simple, il vous faudra présenter à nouveau votre résolution l’année suivante, en convainquant les copropriétaires récalcitrants.

7. Les travaux

Au regard des étapes que vous avez déjà passées, les travaux d’abattage d’un mur porteur vont vous paraître extrêmement simples. En effet, il suffit de quelques jours pour abattre le mur porteur, installer la nouvelle structure porteuse et faire les raccords de peinture.

Nous vous recommandons de faire un état des lieux contradictoires chez vos voisins (par huissier) avant le début des travaux pour éviter toute polémique par la suite.

Questions fréquemment posées

Est-il plus difficile de supprimer un mur porteur au 1er étage plutôt qu’au dernier ?

Non ! Le dimensionnement des poutrelles qui supporteront la charge ne seront évidemment pas identiques (la section des poutrelles sera plus importante au premier étage) mais la réalisation est exactement la même.

Certains copropriétaires pourraient être plus inquiets à l’idée de voir un mur porteur disparaître dans un étage bas, mais si vous communiquez bien, via un architecte, et avec les conclusions d’un bureau d’études, vous devriez pouvoir rassurer les plus anxieux.

Puis-je savoir avant d’acheter un appartement si j’aurais le droit d’abattre un mur porteur ?

Malheureusement non ! Un faisceau d’indices peut néanmoins vous mettre sur la voie :

  • Étudiez les PV d’AG afin de voir si les projets individuels des copropriétaires sont autorisés en AG (rachat de parties communes, démolition de mur porteur, ouverture de trémie entre deux lots, création d’une véranda, installation d’une climatisation, etc.). Si la copropriété à tendance à accepter ces différents projets, vous ne devriez pas avoir de souci.
  • Appelez le gestionnaire de la copropriété appartenant au syndic : exposez lui votre problématique, il connaît parfaitement la copropriété et saura vous dire en toutes impartialité si vous avez de bonnes chances de voir votre projet accepté.

Pour quelles raisons mon projet de suppression de mur porteur serait-il refusé ?

Il y a trois raisons principales pour lesquelles votre projet pourrait être refusé en assemblé générale :

  • Soit un manque de préparation : vous n’avez pas fait les études nécessaires, les copropriétaires n’ont pas eu les réponses aux questions qu’ils ont posé, vous n’avez pas consulté l’architecte de la copropriété, etc.
  • Soit un manque de communication : vous avez tout fait dans les règles mais n’avez pas pris le temps de communiquer préalablement auprès de vos copropriétaires, de les rassurer sur l’impact limité du chantier (bruit, poussière, ouvriers dans la copropriété).
  • Soit le facteur humain : nous avons vu que supprimer un mur porteur n’a rien de compliqué techniquement. Si en revanche, vous entretenez des relations détestables avec vos copropriétaires et/ou voisins, ceux-là risquent de bloquer votre projet, non pas sur des bases rationnelles mais émotionnelles…

Je visite un appartement et on me parle d’un mur semi-porteur, de quoi s’agit-il ?

Concrètement il s’agit d’une cloison, qui n’était originellement pas destinée à supporter le poids de la structure. Néanmoins, dans les immeubles anciens, le temps passant, la charge peut se répartir différemment, l’immeuble bouger, et cette cloison peut finalement supporter un partie de la charge de la structure. La supprimer sans précaution s’avérerait donc dangereux.

Juridiquement, cette cloison, même si elle supporte dorénavant une partie de la structure, reste un partie privative dont vous pouvez disposer librement. Vous êtes néanmoins responsable des dégâts potentiellement occasionnés dans la copropriété.

Ainsi, il faudra a minima faire intervenir un bureau d’étude pour trouver une solution de reprise de la charge.

Et même, si une autorisation de la copropriété n’est pas stricto sensu impérative pour abattre cette cloison, mieux vaut communiquer avec votre syndic en indiquant les travaux que vous comptez mener.

En conclusion

Au final, abattre un mur porteur n’est pas compliqué mais demande un certain formalisme, de la discussion avec ses voisins et un projet bien ficelé !

N’écartez donc pas forcément un appartement en raison d’un mur porteur mal placé, vérifiez tout d’abord s’il est éventuellement envisageable de le faire tomber, quitte à ce que cela se fasse dans un 2ème temps. Et si vous passez par un chasseur immobilier, Jeeves a fortiori, celui-ci est en mesure de réaliser cette analyse pour vous !